dimanche 15 septembre 2024

55 - Domesticatioon d'une greluche

Elle était romantique et moi, dur comme une hallebarde.
 
Elle pleurait pour une fleur écrasée, je riais en égorgeant des poulets.
 
Son coeur tendre d'agnelle sensible croyait pouvoir triompher de la pierre logée dans ma poitrine martiale. Naïve, sotte et vaine, je l'aimais pour sa chair offerte, son corsage plein et sa cuisse ferme.
 
Non pour les idées creuses de sa cervelle vide.
 
Elle pensait que ses sentiments délicats à mon endroit pouvaient changer ma poigne d'acier en guimauve, ma gueule de loup en face de chaton, les flammes de ma virilité en tiède et molle écume.
 
Face à cette adorable imbécile je demeurais un roc anguleux, un carnassier sans pitié, un ogre assoiffé de tendrons.
 
Sa bêtise femelle m'amusait. Elle s'abreuvait de revues de psychologie, d'ouvrages sur le développement de la personnalité, achetait des bougies parfumées, toujours en quête de bien-être en toc, n'hésitant jamais à s'offrir des services en vogue dédiés à la "réalisation de soi" tarifés à hauteur de sa stupidité féminine, c'est-à-dire pas du tout au rabais...
 
Partagé entre moquerie et consternation, j'assistais aux errances psychologisantes et autres vacuités de cette jolie dinde écervelée dont la seule vertu, à mes yeux, consistait à accepter que je la farcisse de mon glaive enflammé.
 
Hors de cette unique compétence à apaiser mes mâles appétits, je considérais cette chevrette en jupons comme une parfaite nullité. Le pur produit de ce siècle générateur de cloches et de cruches. Le stéréotype de l'oiselle élevée aux aliments culturels allégés, nourrie par les pages intellectuellement amaigrissantes de "ELLE".
 
Bref, je décidai assez vite de reprendre sérieusement en main l'âme égarée, de lui mettre du plomb sous ses bouclettes et de la placer sur des rails plus rectilignes.
 
Je brûlai ses romans d'Amélie Nothomb et d'Alexandre Jardin pour les remplacer par des manuels de cuisine, de couture et de jardinage, la couronnai d'une casserole, la fis asseoir sur son trône en forme de tabouret de trayeuse de vaches avec un balai dans la main en guise de sceptre, pour en faire la reine de mon foyer.
 
Du jour au lendemain la belle se retrouva au sommet de mon estime, passant du statut de pondeuse d'inepties à celui de femme.
 
Rayonnante, elle se sentit pour la première fois de sa vie enfin utile.
 
Au monde, aux hommes, à elle-même.

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