samedi 14 septembre 2024

46 - La femme de soixante ans

La femme de soixante ans devient nécessairement un repoussoir pour tout homme en désir normalement constitué.
 
Sur le plan principalement esthétique, elle n'est plus considérée comme une beauté à conquérir, une femelle à chasser, un papillon à épingler, un trophée à lustrer.
 
Mais comme un objet encombrant qui commence à s'alourdir, un poids mort particulièrement adipeux, un corps déchu de plus en plus flasque et répugnant qui en société déshonore son conjoint.
 
Rarement la soixantenaire prend conscience de sa décrépitude, car assez souvent elle continue de se maquiller, se ridiculisant en croyant s'embellir. Et si elle suspecte sa chair de ternir, elle préférera s'enivrer de paillettes, ces mensonges flatteurs remontés du fond de son miroir.
 
En vérité, à cet âge des premières pesanteurs, le fard l'enlaidit tout à fait.
 
Mais ces artifices suffisent à entretenir chez elle l'illusion d'être désirée encore.
 
Et plus l'araignée vieillira, plus elle ajoutera des étincelles factices sur sa face sinistre. Et si les gaillards posent leurs regards sur ses misères odieusement mises en valeur, c'est pour mieux s'en affliger. Ou en rire. Et non pour en avoir un avant-goût, car ils ne se réjouissent nullement de faire un festin de ces mets avariés.
 
Les traits de la rombière vieillissante s'empâtent, défraîchissent, perdent toute valeur sur le féroce échiquier amoureux. Hier fleur de printemps parée de rosée, aujourd'hui algue puante, le visage jadis célébré n'a plus que le prix des choses dérisoires chez celle qui aborde le versant descendant de sa vie.
 
Si les intéressées elles-mêmes ignorent en toute mauvaise foi ces lourdeurs du temps qui impriment sur elles l'image d'une grimace, faisant semblant de prendre à la légère leurs rides et boursoufflures, ceux qui  brûlent de virilité -et qui demeurent des aigles quelle que soit leur génération- n'entendent pas ces sornettes de cette oreille : c'est dans leur mâle nature, ils se tournent systématiquement vers de lestes et aériennes jeunettes.
 
Lesquelles succombent fatalement aux charmes augustes de ces chênes arborant de nobles racines et de séduisants feuillages argentés. Ces demoiselles en pâmoison tombent en effet comme des pommes vertes à leurs pieds, pendant que les molles et bouffies, grasses et rougeaudes déclassées -parfois déguisées en pucelles-, y pourrissent tels des fruits gâtés.

Bref, la mégère refoule les oiseaux de la terre, tandis que le patriarche attire les anges du ciel.

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