samedi 14 septembre 2024

53 - Je suis insensible aux malheurs des autres

Moi je n'aime que la beauté, la joie, les hauteurs.
 
Seul le bon air des âmes heureuses me touche, m'inspire, me nourrit et m'allège.
 
Les larmes des affligés me fatiguent. Les histoires tristes des malchanceux m'ennuient. La douleur des infortunés de la vie m'incommode. Tous ces gens alourdis de maux m'empêchent de monter.
 
Je n'ai que faire de la souffrance des accablés étalée en long et en large, imbécilement sanctifiée, dévotement exposée dans l'autel sinistre de leurs interminables gémissements, comme s'ils voulaient la répandre dans tout l'Univers, la partager avec le reste de l'humanité, forcer les autres à adhérer à leur malheur...
 
Les pires, les plus détestables, ce sont ces pleureurs pervers qui sans aucun talent, dénués d'esprit, et surtout  incapables de dérision, s'ingénient à faire des oeuvres d'art de leur fardeau. En général, c'est toujours raté. Les fruits de leur cuisine au vinaigre sont indigestes. En essayant de mettre en vers ou en peinture leur chagrin, ce qui est aussi une manière haïssable de prendre en otage les épargnés du sort, ils ne produisent que de vomitifs festins à la gloire de leur crasse. Et si vous ne vous agenouillez pas d'admiration parce que vous trouvez leurs gribouillis infâmes, leurs croûtes laides, alors soyez-en sûrs, ils vous taxeront d'égoïstes, d'insensibles, de méchants, de mauvais !
 
Ces peintraillons du deuil sont les ennemis du genre humain, en vérité.
 
Tandis que l'expression du bonheur est immédiatement communicative et n'a nul besoin de ces singeries pour convaincre les hommes sains. Le jour est sans artifice, sans malice, exempt de lourdeur. Le Soleil brille naturellement sur les êtres, il éclaire directement les visages et fait naître spontanément les sourires.
 
Les infortunés imbus de leurs pesanteurs ont tendance à trouver injuste la félicité d'autrui. Ils seront peu enclins à se réjouir du spectacle des astres pleins d'éclat qu'ils croisent. Ou qu'ils regardent de loin, amers, méfiants, méprisants. Assez souvent même ils haïront ces foyers de lumière qui ne leur ressemblent tellement pas... Et préféreront côtoyer leurs vrais reflets, les ombres.
 
Si je déteste ces misérables, car oui j'ai de la répulsion pour ces salauds centrés sur les enclumes du destin qui leur tombent sur la tête, c'est parce que qu'ils se rassurent auprès des cous cassés, des dos courbés, des os rompus de leur espèce.
 
Heureusement tous les lépreux de la Terre ne sont pas ainsi. Il y en a de très bien. Mais ils sont minoritaires : je veux parler des silencieux. Eux, je les apprécie.
 
Très précisément parce qu'ils ne la ramènent pas.

Bref, à mes yeux un bon geignard est un geignard qui la ferme !

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